Podcast "Mémoire de Buchenwald"

Le moteur de l’autocar tourne déjà tandis qu’Amina, Norah, Aleksa et les autres s’installent pour une nuit de route. Destination Weimar, sur les traces des prisonniers de Buchenwald, camp de concentration construit dès 1937 pour y enfermer les opposants au régime nazi. Les voix de ces jeunes, au seuil de leur vie d’adulte, s’entremêlent à celles des descendant·es de survivant·es. 

« Quand avez-vous entendu parler de Buchenwald pour la première fois ? » Leurs témoignages disent la transmission de l’expérience des camps et de la Résistance au sein de leur famille, son lot de séquelles, de silences et de regrets. Mais aussi l’espoir et l’optimisme transmis par ces récits. Anne Hessel, fille de Stéphane Hessel, décide de se joindre aux élèves pour poursuivre cette quête avec elles et eux.

Arrivés à Weimar, nous visitons le Mémorial, lieu central des commémorations à l’époque de la RDA. Micro en main, Aleksa et Sandiya recueillent les impressions de leurs camarades. Mais comment visite-t-on un Mémorial ? Que vient-on chercher dans ce type de lieu ? Et quel sens donner à la scénographie de cet espace monumental consacré à la gloire des résistants communistes alors qu’il n’est plus au coeur des cérémonies mémorielles depuis la réunification de l’Allemagne ? 

Isabelle Wynen a accompagné son père, André Wynen, à l’une de ces commémorations dans les années 1970, alors qu’elle n’avait que 8 ans. Ses souvenirs d’enfance, marqués par cette expérience traumatique, brossent un tableau inattendu de l’histoire de ces lieux. Ils entrent en résonance avec l’expérience des élèves et leur propre itinéraire au sein du Mémorial.

La visite du camp de Buchenwald n’a pas pu être enregistrée. Cependant, Ahmed, Dikra, Andrei et les autres tentent de mettre des mots sur ce qu’ils ont vu et compris de ce lieu. Les fragments d’Histoire qui les ont marqués font écho aux témoignages des descendant·es de survivants qui oeuvrent aujourd’hui à la transmission de cette mémoire. 

Pierre Durand, Georges Beauchemin et Dominique Orlowski sont membres de l’Association Française Buchenwald, Dora et Kommandos. Ils continuent de se documenter sur la vie au camp, de rapporter les témoignages qu’ils ont reçus et de mettre des mots sur l’indicible.

Buchenwald a d’abord été construit pour et par des prisonniers politiques allemands, dont la plupart étaient communistes. Après la guerre et la division de l'Allemagne en deux, comment s'est transmise la mémoire de ce camp des deux côtés du rideau de fer ? En ayant appris l’allemand, nous avons pu rencontrer des descendant·es de survivants germanophones et accéder à une lecture plus profonde et complexe de l'Histoire. 

Gisela Plessgott et Franka Günther ont toutes deux grandi en RDA où les survivants de Buchenwald ont été célébrés par le régime communiste. En revanche, Reinhold Loch, fils d'un ancien prisonnier, se souvient des nombreuses arrestations subies par son père dans la RFA des années 1950. Cette période de l’Histoire résonne ainsi différemment selon les époques et les territoires, non seulement en Europe mais bien au-delà.

De retour à Stains, quelles traces matérielles ou mémorielles gardons-nous de Buchenwald ? Au cours d’une séance de consultation de documents aux Archives nationales ainsi que d’un parcours mémoriel dans les rues de Stains, nous découvrons les traces de la déportation conservées dans nos quartiers. 

Pour les descendant·es de survivants, quelques objets et quelques souvenirs se détachent du récit familial et témoignent de la résistance au sein du camp. Comme ce petit papier écrit de la main de Stéphane Hessel qu’Andrei a retrouvé au Musée du camp et qui fait ressurgir la figure de Michel Boitel. Et si notre projet permettait de restaurer sa mémoire ?

Dans le train vers Amiens, Andrei et Sanaa préparent leur discours. Après plusieurs mois de démarches, une plaque commémorative va être posée à la mémoire de Michel Boitel. Atteint du typhus à Buchenwald, il a sauvé Stéphane Hessel en acceptant de lui donner son identité avant de mourir. 

Gisèle Cozette et Laurent Lopez se sont battus pour reconstruire la mémoire de ce déporté oublié de l’Histoire et lui rendre hommage. Anne Hessel s’est jointe à eux dans cette mission, portée par l’énergie des élèves. Aujourd’hui, ce sont elles et eux qui s’interrogent à leur tour sur leur propre histoire familiale.

Pendant que Nicolas, le chauffeur de bus, essaye de trouver un service de dépannage en pleine sortie d'autoroute, les élèves partagent leurs impressions sur la panne de bus dans leurs langues maternelles. 

Nous les remercions chaleureusement pour cette expérience mémorable vécue ensemble. Mémoires de Buchenwald a reçu la mention “Transmission” au festival "Passeurs d’histoire" du Mémorial de Verdun en 2024.

• Georges Beauchemin, gendre des résistants Marie François Hitter et Magda Rovella et membre de l’Association française Buchenwald, Dora et kommandos. Auteur du "Triomphe de l’entendement", Éditions Amalthée, 2020.
• Gisèle Cozette, épouse du résistant André Cozette et Présidente de l’Association des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes de la Somme. Elle a été la première à constituer un dossier sur Michel Boitel.
• Dominique Durand, fils du résistant communiste Pierre Durand et membre de l’Association française Buchenwald, Dora et kommandos.
• Franka Günther, petite-fille du résistant communiste allemand Hans Neumeister et directrice du festival d'histoire Rendez-vous mit der Geshichte générale de Weimar.
• Anne Hessel, fille de Stéphane Hessel, résistant et diplomate français.
• Reinhold Loch, fils du résistant allemand communiste Erich Loch et membre de l’Association des persécutés du régime nazi (VVN).
• Laurent Lopez et Marc Tondelier, habitants de Gapennes ayant reconstitué l’histoire de Michel Boitel.
• Stéphane Lopez, arrière-petit-fils du militant communiste André Carrez.
• Dominique Orlowski, fille du résistant communiste Jacques Pain et membre de l’Association française Buchenwald, Dora et kommandos. Directrice de l’ouvrage "Buchenwald par ses témoins", Belin, 2014.
• Gisela Plessgott, fille du résistant allemand communiste Reinhold Lochmann et membre de l’Association des persécutés du régime nazi (VVN).
• Isabelle Wynen, fille du résistant belge André Wynen.

• Pauline Blanchet est professeur d’allemand au lycée Maurice Utrillo de Stains (93). Elle a étudié la littérature comparée à l'université de Paris Sorbonne. Agrégée d'allemand depuis 2014, elle enseigne en zone prioritaire depuis 2015. Elle encadre le projet "Fichez-nous la paix ! – un musée en ligne en hommage au pacifiste Ernst Friedrich" sur le thème de la paix après la Grande Guerre, qui remporte le 1er prix du concours d'histoire franco-allemand EUSTORY en 2019.
• Claire Latxague est autrice, éditrice et traductrice. Après 12 ans dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche elle se forme à la radio auprès de Phonurgia nova et réalise une première pièce pour Arte radio, Le Carnet russe . En 2021, elle finalise le documentaire Germaine ou la retenue au sein du collectif Transmission, avec le soutien de la Scam, Phonurgia nova, le Groupe Musiques Vivantes de Lyon et le festival Valence Scénario. Mémoires de Buchenwald est son deuxième documentaire indépendant.
• Les terminales germanistes 2022-2023 du Lycée Maurice Utrillo de Stains (93) se sont formés à la prise de son en quelques semaines et ont tout de suite été emballés par le projet de documentaire sonore. Tout en se préparant pour les épreuves du Bac, ils et elles ont suivi toutes les étapes de sa réalisation : prise de contact avec les témoins, rédaction et direction des entretiens, enregistrement des voix off et du doublage, etc. Leur implication a largement débordé du cadre scolaire, prenant sur leur temps libre et leurs week-ends pour aller à la rencontre des témoins. Leur Bac en poche, ils et elles continuent d’accompagner le projet et préparent une nouvelle série consacrée à leurs propres histoires familiales.

• Prise de son et interviews : Sanaa Abderide, Hayaa Ahmad, Dikra Arstim, Norah Bengaraali, Pauline Blanchet, Amina Fall-Keita, Tony Gonçalves, Abdallah Hamouda, Bastien Kard, Claire Latxague, Grace Ligue, Imane Louzi, Aleksa Minic, Ahmed Mohamed, Andrei Negutoiu, Brudget Pembele N Singani, Kemaline Ramachandran, Sandiya Ramamourty, Marwa Smaïli, Thuveraka Vigneswaran et Louis Weng.
• Réalisation : Pauline Blanchet et Claire Latxague.
• Mixage : Étienne Gratianette.
• Habillage musical : Sandiya Ramamourty à partir de la mélodie composée par Rudi Goguel pour "Le Chant des marais". SOUTIENS

⯈ Soutiens :
Ce documentaire a été initié au cours d’une résidence d’auteur de la Région Île-de- France. Il a été soutenu par le Souvenir français de Seine-Saint-Denis, le Ministère des armées, et les Archives nationales.